Depuis des décennies, les astronomes scrutent les confins de l’Univers pour comprendre ses origines et son évolution. Aujourd’hui, une avancée majeure vient d’être réalisée grâce au télescope de cosmologie d’Atacama (ACT), situé à plus de 5 000 mètres d’altitude au Chili. Cet instrument d’une précision inégalée a capturé les images les plus détaillées du fond diffus cosmologique (CMB), une lueur fossile émise lorsque l’Univers n’avait que 380 000 ans. Ces nouvelles observations confirment les théories existantes sur la structure du cosmos et révèlent les premiers signes de la formation des galaxies. Elles offrent ainsi un aperçu sans précédent des conditions de l’Univers primordial et ouvrent la voie à de nouvelles explorations en cosmologie. Cependant, elles ne permettent pas encore de résoudre certaines énigmes persistantes.
La lumière fossile du Big Bang : un message venu du passé
Le fond diffus cosmologique (CMB) est le plus ancien signal lumineux observable dans l’Univers. Il remonte à une époque où le cosmos était méconnaissable. Durant les 380 000 premières années après le Big Bang, ce dernier était en effet un environnement extrêmement chaud et dense rempli d’un plasma d’électrons et de protons qui empêchait les photons de voyager sans être immédiatement absorbés ou dispersés.
Ce brouillard primordial a persisté jusqu’à ce que l’expansion de l’Univers provoque son refroidissement, ce qui a finalement permis aux électrons de se combiner avec les protons pour former les premiers atomes neutres d’hydrogène et d’hélium. Cette transition, appelée recombinaison, a marqué un tournant décisif : la lumière a pu enfin circuler librement, ce qui a alors créé le rayonnement que nous détectons aujourd’hui sous la forme du CMB.
Cette lumière fossile n’est pas uniforme. Elle présente de légères variations de température et de densité qui correspondent aux premières fluctuations de matière dans l’Univers. Ces inégalités minuscules ont été amplifiées par la gravité pour donner naissance aux premières structures cosmiques : étoiles, galaxies et amas de galaxies. L’étude de ces fluctuations est cruciale pour comprendre l’évolution du cosmos et tester les théories de la physique fondamentale.
Un instrument révolutionnaire pour sonder l’Univers primitif
Observer le fond diffus cosmologique est un défi. Les signaux sont en effet extrêmement faibles et nécessitent des instruments sophistiqués pour être détectés. De plus, ils doivent être observés depuis un site qui présente des conditions atmosphériques idéales pour éviter les perturbations dues à la vapeur d’eau et aux interférences radio. Le télescope de cosmologie d’Atacama (ACT) a justement été conçu pour répondre à ces exigences. Situé à plus de 5 000 mètres d’altitude sur le plateau aride de Chajnantor, au Chili, il bénéficie d’un environnement exceptionnellement sec et stable, idéal pour les observations millimétriques et submillimétriques.
L’un des atouts majeurs de l’ACT réside dans sa capacité à mesurer non seulement la température du CMB, mais aussi la polarisation de cette lumière fossile. Or, la polarisation est un indicateur clé des interactions gravitationnelles et des mouvements de matière dans l’Univers primitif. Grâce à une résolution cinq fois plus élevée que celle de Planck, l’ACT a ainsi permis de cartographier ces signaux avec une finesse inédite.
Ces avancées ont permis aux scientifiques d’examiner la dynamique des gaz primordiaux et de mieux comprendre comment les structures cosmiques ont émergé à partir des fluctuations initiales du Big Bang. En combinant ces observations avec des modèles théoriques, ils peuvent ainsi reconstruire l’histoire de l’Univers et affiner les paramètres fondamentaux qui régissent son évolution.

Répartition de masses
Les nouvelles données fournies par l’ACT confirment également avec une précision remarquable le modèle standard de la cosmologie, qui décrit l’Univers comme étant composé majoritairement de matière noire et d’énergie noire avec seulement une fraction constituée de matière ordinaire. Cette confirmation renforce la robustesse du cadre théorique actuel et valide les hypothèses sur l’évolution cosmique.

Un problème avec la tension de Hubble
Malgré ces avancées, certaines questions restent sans réponse. L’un des plus grands mystères concerne la tension de Hubble, une divergence entre les différentes méthodes de mesure du taux d’expansion de l’Univers. En effet, les calculs effectués à partir du CMB donnent une valeur de la constante de Hubble inférieure à celle obtenue par l’observation des galaxies proches. Cette contradiction suggère soit une erreur systématique dans l’une des méthodes, soit l’existence d’une nouvelle physique encore inconnue.
L’ACT n’a pas permis de résoudre ce problème, mais il a fourni des mesures extrêmement précises qui pourraient aider à mieux comprendre cette anomalie. En étudiant plus en détail la polarisation du CMB et les effets gravitationnels à grande échelle, les chercheurs espèrent identifier d’éventuelles causes sous-jacentes à cette différence.
Par ailleurs, les observations de l’ACT pourraient également avoir des implications pour l’étude des neutrinos cosmiques, ces particules fantomatiques qui traversent l’Univers presque sans interagir avec la matière. En détectant les infimes effets qu’ils laissent sur le CMB, les astronomes pourraient en effet mieux comprendre leur rôle dans l’évolution cosmique et ainsi affiner les modèles de physique des particules.

Un héritage pour la cosmologie et les futures explorations
Avec la fin de ses observations en 2022, l’ACT laisse derrière lui un immense corpus de données qui continueront d’être analysées par les scientifiques du monde entier. Ses résultats ont non seulement validé les théories actuelles, mais ils ont aussi posé de nouvelles questions qui guideront les recherches futures en cosmologie.
Le télescope ACT sera bientôt remplacé par le Simons Observatory, un nouvel instrument encore plus puissant qui poursuivra l’exploration du CMB avec une précision accrue. Ce projet vise à affiner les mesures des paramètres cosmologiques, à approfondir l’étude de la matière noire et de l’énergie noire, et peut-être à identifier de nouvelles particules ou interactions fondamentales.