Un monde encore plus étrange que dans Star Wars : cette exoplanète orbite perpendiculairement au plan de son « étoile » double !

Très rapidement après la découverte des premières exoplanètes autour d’étoiles sur la séquence principale, comme c’est le cas de notre Soleil et pas d’une géante rougegéante rouge ou d’une naine blanche, on s’est demandé s’il était possible d’en trouver aussi associées à un système binairesystème binaire – que l’exoplanète soit en orbiteorbite autour d’une seule composante de l’étoile double ou autour des deux.

Il n’était pas évident en effet que l’attraction gravitationnelle de deux étoiles permette la formation d’une voire de plusieurs exoplanètes dans un disque protoplanétairedisque protoplanétaire ou simplement que les corps formés restent bien longtemps sur des orbites stables. Or, les étoiles doubles sont majoritaires dans la Voie lactéeVoie lactée.

Remarquablement, comme le rappelle un communiqué de l’ESOESO concernant un article publié dans Science Advances et qui vient d’être mise en ligne, plusieurs planètes en orbite autour de deux étoiles à la fois, comme le monde fictif de Tatooine dans Star Wars, ont rapidement été découvertes il y a un peu moins de 30 ans, même si au début il ne s’agissait que d’indices indirects, par exemple fournis par le défunt télescopetélescope Spitzer.


Un survol en drone de l’Observatoire de Paranal au Chili avec le VLT. © MAV Drone

Un triple système de naines brunes !

Ces exoplanètes occupent généralement des orbites dans des plans quasiment parallèles et parallèles au plan orbital des étoiles d’une binaire. Mais, aujourd’hui, et bien que les observations portent un système de deux naines brunesnaines brunes, donc des astresastres qui ne sont ni vraiment des planètes ni vraiment des étoiles, des astronomesastronomes annoncent une découverte surprenant faite à l’aide du Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral et d’un autre instrument de l’Observatoire de Paranal au Chili.

L’exoplanète 2M1510 (AB) b a en effet son plan orbital qui est… perpendiculaire à celui des deux naines brunes !

L’origine de son nom suit la nomenclature habituelle et est donc basé sur le fait que 2M1510 ou 2M1510 AB sont les noms donnés à la binaire à éclipseséclipses composée de deux naines brunes, 2M1510 A et 2M1510 B.

L’ « étoile » double se trouve dans IC 2391, également nommé amas d’OmicronOmicron Velorum et Caldwell 85, un amas ouvertamas ouvert dans la constellationconstellation des Voiles à un peu moins de 500 années-lumièreannées-lumière du Système solaireSystème solaire. C’est un amas jeune, âgé d’environ 45 millions d’années seulement. On sait également que 2M1510 est en fait une « étoile » triple avec une troisième composante, 2M1510 C, mais qui est trop éloignée pour perturber gravitationnellement significativement 2M1510 AB et 2M1510 (AB) b.


Le projet Speculoos (Search for habitable Planets EClipsing ULtra-cOOl Stars, pour « recherche de planètes habitables éclipsant des étoiles ultra-froides ») vise à détecter des planètes telluriques éclipsant certaines des étoiles les plus petites et les plus froides du voisinage solaire. Les exoplanètes détectées par Speculoos devraient ainsi nous offrir l’opportunité d’analyser l’atmosphère de mondes extrasolaires similaires à notre Terre, afin notamment d’y chercher les traces d’une activité biologique. © Université de Liège

Toujours est-il que nous disposons donc maintenant pour la première fois de preuves solidessolides de l’existence d’une « planète polaire » en orbite autour d’une paire de naines brunes. Le communiqué de l’ESO précise cependant qu’il y avait auparavant des indices suggérant que de telles planètes pouvaient exister. Les calculs théoriques en mécanique céleste indiquaient que l’on pouvait leur trouver des orbites stables, et surtout des disques protoplanétaires en orbite polaire autour de paires d’étoiles avaient été précédemment détectés.

« Je suis particulièrement heureux de participer à la détection de preuves crédibles de l’existence de cette configuration », déclare  dans le communiqué de l’ESO Thomas Baycroft, doctorant à l’université de Birmingham (Royaume-Uni), qui a dirigé l’étude publiée aujourd’hui dans Science Advances.

« Une planète en orbite non seulement autour d’un système binaire, mais d’un système binaire composé de deux naines brunes, et qui plus est sur une orbite polaire, c’est vraiment incroyable et passionnant », y ajoute Amaury Triaud, co-auteur de l’étude et professeur à l’université de Birmingham.

En bonus, 2M1510 AB elle-même est un cas intéressant, car c’est seulement la deuxième paire de naines brunes à éclipses connue à ce jour.

Une découverte par sérendipité

Amaury Triaud précise que la découverte de 2M1510 (AB) b « est fortuite, dans la mesure où nos observations n’ont pas été faites pour rechercher une telle planète ou une telle configuration orbitaleorbitale. C’est donc une grande surprise. Dans l’ensemble, je pense que cela montre à nous, astronomes, mais aussi au grand public, ce qui est possible dans l’universunivers fascinant dans lequel nous vivons ».

En effet, le communiqué de l’ESO explique que les astronomes ont débusqué l’exoplanète alors qu’ils cherchaient simplement à mieux connaître les paramètres orbitaux et physiquesphysiques des deux naines brunes en recueillant des observations avec l’instrument UVES (UltravioletUltraviolet and Visual Echelle Spectrograph) sur le VLT.

Mais, 2M1510 AB avait été détectée pour la première fois en 2018 par Amaury Triaud et ses collègues dans le cadre du projet Speculoos (Search for habitable Planets EClipsing ULtra-cOOl Stars), un autre instrument de l’Observatoire de Paranal.

Les astronomes avaient donc ensuite constaté avec UVES que la trajectoire orbitale des deux étoiles de 2M1510 était perturbée de manière inhabituelle. « Nous avons passé en revue tous les scénarios possibles, et le seul qui soit cohérent avec les données est celui d’une planète sur une orbite polaire autour de cette binaire », explique Thomas Baycroft.


Une présentation du monde des naines brunes présentée le 7 mai 2020 par Frédérique Baron, de l’Institut de recherche sur les exoplanètes – iREx. © Chaine du programme À la découverte de l’Univers

Le saviez-vous ?

L’existence des naines brunes a été prédite théoriquement par l’astronome indien Shiv S. Kumar pendant sa thèse au cours de la période 1958-1962. Il s’intéressait à la théorie des étoiles de très faible masse (M < 0.1 masse solaire), étoiles qu’il avait appelées des naines noires. Mais, notamment parce ces objets peuvent être lumineux aux longueurs d’onde visibles au début de leur vie car ils sont chauffés par la contraction gravitationnelle lors de leur formation et selon le mécanisme de Kelvin-Helmholtz ; c’est une autre dénomination à leur sujet qui fera fortune et qui est utilisée depuis que les premières naines brunes ont été observées au milieu des années 1990. Ces astres, trop massifs pour être des géantes gazeuses comme Jupiter, mais pas assez pour être considérés comme des étoiles, doivent en effet leur nom de naine brune à Jill Tarter, une exobiologiste connue pour être l’une des figures de proue de Seti.

Les naines brunes s’inscrivent plus ou moins toujours dans le débat concernant d’une part, la limite en masse au-delà de laquelle un astre fait partie des étoiles (et non des naines brunes) et d’autre part, concernant la limite en dessous de laquelle l’astre est une géante gazeuse. Les astrophysiciens s’accordent toutefois sur un point : ce qui différencie une étoile d’une naine brune est le fait qu’elle est suffisamment massive pour que des réactions de fusion thermonucléaire durables, comme celles décrites par la chaîne proton-proton ou le cycle de Bethe-Weizsäcker, s’y enclenchent. On trouve alors des masses comprises entre 75 et 80 fois la masse de Jupiter (MJ), c’est-à-dire environ 0,07 masse solaire.

En ce qui concerne le critère de distinction entre une géante gazeuse et une naine brune, les scientifiques utilisent généralement le seuil de 13 MJ. Des réactions de fusion temporaires, en l’occurrence celle du deutérium, peuvent alors se produire, comme celle du lithium à partir de 65 MJ.

Les naines brunes se subdivisent en plusieurs types spectraux comme les étoiles ordinaires. Les plus chaudes et les plus lumineuses font ainsi partie des naines dites M, voisines donc des naines rouges de même type. Viennent ensuite les deux sortes principales de naines brunes avec tout d’abord celles de types L, qui ont des températures grossièrement comprises entre 1 500 K et 2 500 K, et les naines de type T, là aussi avec des températures grossièrement entre 1 500 et 500 K. Les naines Y ont des températures en dessous de 500 K.

Il existe toutefois de légères variations dans la littérature à leur sujet, on trouve ainsi parfois pour les naines T qu’elles doivent avoir des températures de surface inférieures à 1 200 K.

Les naines brunes sont intéressantes car il s’agit d’astres intermédiaires entre une étoile et une planète en matière de masse et qui ne se trouvent pas dans notre Système solaire. Elles sont également utiles pour étudier l’évolution et l’atmosphère des planètes géantes, car les planètes de type Jupiter et les naines brunes les plus légères devraient avoir des caractéristiques similaires.

Auteur : Laurent Sacco, Journaliste

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