Themis, Maia, Callisto, Susie… Face au Space X d’Elon Musk, comment l’Europe veut se relancer dans la course spatiale avec des fusées réutilisables

La fusée européenne Ariane 6 décolle lundi 3 mars pour son premier vol commercial. Ce lanceur « classique » parait presque démodé par rapport à ce que font les Américains, et Elon Musk en particulier. Pour tenter de rattraper son retard, l’Europe s’est lancée dans la conception de fusées réutilisables, sur le modèle de Space X.

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Themis est assemblée dans un hangar situé aux Mureaux, dans les Yvelines. (ESA ArianeGroup / STEPHANE CORVAJA)

Themis est assemblée dans un hangar situé aux Mureaux, dans les Yvelines. (ESA ArianeGroup / STEPHANE CORVAJA)

L’entreprise américaine Space X d’Elon Musk, on le sait, a plusieurs longueurs d’avance. Il suffit de regarder les images incroyables de Starship, cette fusée géante qui descend du ciel à une vitesse folle et rattrapée avant même de toucher le sol par des bras mécaniques. Cette prouesse des fusées réutilisables, l’entreprise d’Elon Musk la maîtrise déjà avec la Falcon 9 et elle domine aujourd’hui le marché des lancements de satellites. 

L’Europe se lance toutefois elle aussi dans les fusées réutilisables. En exclusivité, franceinfo a découvert Themis, prototype de fusée réutilisable, un « lanceur » comme on dit dans le spatial.

Antonin Ferri, responsable des nouveaux lanceurs chez Ariane Groupe, nous ouvre pour la première fois les portes de ce hangar aux Mureaux près de Paris. « On est ici dans l’ancien bâtiment d’Ariane 5, qui est désormais utilisé pour assembler notre prototype Themis, notre programme pour apprendre à maîtriser la réutilisation des fusées en Europe « . Le bâtiment est très haut, « car Ariane 5 a été assemblée à la verticale », rappelle Antonin Ferri « ce bâtiment est donc très pratique pour assembler des prototypes et réaliser des expériences ».

Sous nos yeux, à l’horizontale, un réservoir de carburant correspond à l’étage principal de près de 30 mètres de long sur trois mètres de diamètre. « La plupart des lanceurs finissent leur vie dans la mer. Là, on va devoir subir des efforts thermiques et mécaniques différents donc dans la conception on doit le prendre en compte, explique Charles, le chef du projet Themis. Ensuite, on a choisi de travailler sur des réductions de coût, ce qui fait que l’on a changé de matière et ce réservoir qui est en acier, une innovation, permet aussi de franchir cette étape au niveau des coûts. »

Autre nouveauté : les quatre pieds métalliques qui constituent « les jambes » de la fusée. « Dans le cadre des opérations sur ce premier démonstrateur, elles seront fixes mais elles ont déjà été conçues et imaginées comme pouvant se rétracter le long du lanceur pour avoir des performances aérodynamiques importantes dans les phases ascensionnelles. Et lorsque l’on rentrera, à la phase finale, quand le moteur sera allumé, on aura un déploiement de ces jambes pour pouvoir se poser », détaille le chef du projet.

Le premier vol d'essai doit être mené en fin d'année sur la base de Kiruna, au nord de la Suède. (ESA ArianeGroup / STEPHANE CORVAJA)

Le premier vol d’essai doit être mené en fin d’année sur la base de Kiruna, au nord de la Suède. (ESA ArianeGroup / STEPHANE CORVAJA)

  
Le premier vol d’essai doit être mené en fin d’année, sur la base de Kiruna, au nord de la Suède. Themis tentera d’effectuer un saut de puce de plusieurs dizaines de mètres tout de même, avant de se poser en douceur sur le sol. L’élément essentiel pour maîtriser ce retour en douceur, c’est le moteur. C’est ce que l’on appelle un moteur à poussée variable. « On connaît tous ça sur nos voitures, vous pouvez fonctionner à 2 000 tours par minute ou 3 000 tours par minute, le régime moteur change. Sur un moteur-fusée, c’est le même principe mais c’est plus compliqué à réaliser technologiquement. Ici vous avez le Prometheus 01, le tout premier prototype de moteur avec lequel on a réussi à faire cela. »

Ce moteur a effectivement été testé à Vernon en Normandie, avant d’arriver dans ce hangar aux Mureaux pour être assemblé au réservoir. Pour le moment les techniciens s’affairent pour fixer les différentes pièces, les capteurs, les tuyaux ou les pompes. « Au-delà de la technique, avec le programme Themis, je pense que l’on est dans une volonté d’arriver à une nouvelle manière de travailler, de prendre davantage de risque, d’accepter les échecs pour progresser plus vite. »

« C’est un véritable changement psychologique, ce n’est pas forcément ce que les Européens avaient l’habitude de faire ».

Charles, chef du projet Themis

à franceinfo

À la question de savoir s’ils se sont inspirés de la stratégie Space X, il répond : « Ce serait dommage de ne pas s’inspirer de ce qu’il se passe ailleurs dans le monde ». Mais à quoi servent finalement ces fusées réutilisables ? Il suffit de jeter un œil aux chiffres. Pour 2025, il est prévu seulement cinq lancements d’Ariane 6, quand, de son côté, Space X devrait effectuer plus de 150 lancements avec la Falcon 9. C’est donc un enjeu de compétitivité explique Carine Leveau, directrice du Transport Spatial au Cnes, l’agence spatiale française. « Ce n’est pas parce que l’on est en retard qu’il faut renoncer et ne rien faire. Space X, au travers de son Falcon 9, a tiré le coût de lancement vraiment vers le bas, donc il faut être en capacité de rester dans la compétition pour avoir toujours des clients, d’où cette nécessité de pouvoir basculer sur un lanceur réutilisable très rapidement ».

Themis n’est pas le seul prototype de fusée réutilisable. Maia, Callisto, Susie… D’autres projets sont en cours de développement pour permettre à l’Europe de maîtriser cette technologie. 



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