Un gaz témoin des tout premiers instants du Système solaire pourrait se cacher sous nos pieds. Une découverte récente suggère en effet que l’hélium-3, un isotope rare et primordial, pourrait être emprisonné dans le noyau terrestre. Si elle est confirmée, cette hypothèse pourrait transformer notre compréhension de la formation de la Terre et du Système solaire.
Un gaz primordial qui joue à cache-cache
L’hélium-3 est une forme rare d’hélium dont le noyau contient deux protons et un neutron. Contrairement à l’hélium-4, plus abondant, qui se forme principalement par la désintégration des éléments radioactifs, l’hélium-3 provient presque exclusivement du nuage primordial de gaz et de poussières qui a donné naissance à notre Système solaire. Il constitue donc une trace directe des premiers moments de l’Univers, bien avant la formation des planètes et du Soleil.
En raison de sa légèreté, l’hélium-3 est un gaz volatile qui a progressivement disparu de la surface de la Terre au fil des éons. Mais qu’en est-il des profondeurs de notre planète ? Chaque année, environ deux kilogrammes d’hélium-3 s’échappent des dorsales médio-océaniques et des points chauds volcaniques où la croûte terrestre se disloque et libère du magma provenant du manteau profond. Si ce gaz est bien présent à la surface, une question persiste : pourquoi une petite quantité d’hélium-3 reste-t-elle piégée dans les profondeurs de la Terre pendant des milliards d’années, malgré sa légèreté ? Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène, mais aucune n’a été confirmée de manière définitive.
L’une des hypothèses les plus intrigantes suggère que l’hélium-3 pourrait être emprisonné dans le noyau terrestre. Bien qu’il soit principalement composé de fer, il est possible que ce gaz primordial y soit resté protégé des perturbations géologiques et des phénomènes qui pourraient le faire remonter à la surface. Cependant, un obstacle majeur demeure : l’hélium et le fer ne se mélangent pas facilement, ce qui compliquait l’idée que l’hélium-3 puisse être capturé dans cette région profonde de la planète.
Des conditions particulières
Dans une étude publiée récemment dans les Physical Review Letters, des chercheurs dirigés par Kei Hirose, planétologue à l’Université de Tokyo, ont fourni une réponse surprenante à cette question. En soumettant des échantillons de fer et d’hélium à des températures extrêmes (allant de 727 à 2727 °C) et à des pressions qui atteignent jusqu’à 550 000 fois la pression atmosphérique, ils ont constaté que l’hélium pouvait en réalité se mélanger au fer dans ces conditions extrêmes, comme celles qui existent dans le noyau terrestre. Ces résultats ont révélé que le fer solide à haute température et pression pourrait contenir jusqu’à 3,3 % d’hélium.
Bien que les chercheurs aient utilisé de l’hélium-4 dans leurs expériences, il est raisonnable de supposer que l’hélium-3, l’isotope primordial, se comporterait de manière similaire dans ces conditions. Cette découverte ouvre donc une voie fascinante pour comprendre comment l’hélium-3, cet élément si précieux, pourrait rester piégé dans le noyau terrestre pendant des milliards d’années.

Pourquoi cette découverte est-elle si importante ?
Comme dit précédemment, l’hélium-3 est plus qu’un simple gaz primordial : il est un indice de l’histoire de notre planète. Les scientifiques ont longtemps débattu sur la rapidité avec laquelle la Terre s’est formée. Certaines théories suggèrent que la planète aurait mis jusqu’à 100 millions d’années pour se former, tandis que d’autres avancent une formation beaucoup plus rapide, en quelques millions d’années seulement. Sa présence dans le noyau pourrait faire pencher la balance en faveur de la théorie d’une formation rapide.
En effet, si la Terre s’était formée lentement, il y aurait probablement peu d’hélium-3 dans ses profondeurs, car ce gaz aurait eu le temps de s’échapper. Au contraire, ce gaz est effectivement emprisonné dans le noyau, cela indiquerait que la Terre a pu se former plus rapidement, en quelques millions d’années, ce qui remettrait en question certaines théories actuelles sur la formation de notre planète.
En somme, cette découverte ouvre de nouvelles pistes de recherche, mais de nombreuses questions restent à explorer. Comment exactement ce gaz aurait-il été incorporé dans le noyau lors de la formation de la Terre ? Quels autres secrets se cachent dans les profondeurs de notre planète ? Seules les futures études pourront nous apporter des réponses plus précises, mais cette avancée nous rapproche un peu plus des mystères enfouis dans le cœur de notre planète.