Et si l’univers avait encore une carte complètement folle à abattre ? Une planète en orbite autour de deux astres… qui ne sont même pas de vraies étoiles. Une planète qui tourne non pas dans le même plan que ses étoiles, comme c’est la norme cosmique, mais littéralement à 90 degrés : en orbite polaire. Bienvenue dans le système 2M1510, où les lois célestes semblent avoir été réécrites.
Un système qui n’aurait jamais dû exister
Découverte à environ 120 années-lumière de nous, dans la constellation de la Balance, la planète 2M1510 (AB) b intrigue autant qu’elle fascine. Non seulement elle orbite autour de deux étoiles, un phénomène que les astronomes appellent un système binaire, mais en plus, elle le fait de manière complètement atypique : à la verticale, en orbite perpendiculaire au plan de rotation de ses deux étoiles hôtes. Une configuration qualifiée de polaire, rarissime — et jusqu’ici seulement soupçonnée dans les modèles théoriques.
Mais ce n’est pas tout. Ces étoiles ne sont pas des soleils comme le nôtre. Ce sont des naines brunes, des objets célestes considérés comme des « étoiles ratées ». Elles se sont formées comme des étoiles normales, par effondrement gravitationnel d’un nuage de gaz et de poussière, mais n’ont jamais atteint la masse critique nécessaire pour déclencher la fusion nucléaire de l’hydrogène. Résultat : des astres sombres, froids, qui brillent à peine. Ce sont des ombres d’étoiles, à peine visibles même avec nos instruments les plus avancés.
Autrement dit, les astronomes ont observé une planète autour d’un duo stellaire quasi invisible, sur une orbite totalement déconcertante. C’est un cocktail d’improbabilités qui rend cette découverte unique.
Une danse gravitationnelle hors norme
C’est en étudiant les deux naines brunes de ce système, nommées 2M1510 AB et 2M1510 C, que les chercheurs ont compris qu’il se passait quelque chose d’étrange. À l’aide du spectrographe UVES, installé sur le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire de Paranal au Chili, ils ont observé des variations subtiles mais inexpliquées dans les mouvements des deux astres.
Ces variations, comme des secousses gravitationnelles, indiquaient la présence d’un corps invisible influençant le duo. Après avoir écarté toutes les autres hypothèses, les scientifiques ont dû se rendre à l’évidence : une planète massive est bien là, en orbite. Et pas n’importe quelle orbite : une orbite polaire, coupant à 90° le plan de rotation des deux naines brunes.
Ce type d’orbite est extrêmement difficile à expliquer. La plupart des planètes se forment à partir de disques de gaz et de poussière qui tournent dans le même plan que leur étoile. Ici, on a peut-être affaire à une formation planétaire atypique… ou à une perturbation majeure ayant radicalement modifié l’orientation orbitale du corps.

Une rareté dans la rareté
Le système 2M1510 est une anomalie statistique à lui tout seul. Les binaires de naines brunes sont déjà extrêmement rares dans l’univers. Contrairement aux étoiles massives, ces objets ont en effet moins de chances d’avoir un compagnon stellaire. Et les cas où ces binaires sont « éclipsantes », c’est-à-dire que l’une passe régulièrement devant l’autre depuis notre point de vue, sont encore plus rares. Ce système n’est que le deuxième jamais détecté dans cette configuration.
La présence d’une planète, qui plus est sur une orbite polaire, rend ce système pratiquement unique. Et il pose de nombreuses questions : comment une telle planète a-t-elle pu se former ? Qu’est-ce qui l’a mise sur une trajectoire aussi inhabituelle ? Et combien d’autres de ces mondes exotiques existent dans les recoins encore inexplorés de notre galaxie ?
Une découverte qui élargit l’horizon de l’astronomie
Pour les scientifiques, cette planète est bien plus qu’une curiosité. Elle oblige à reconsidérer certains principes fondamentaux sur la formation des planètes et des systèmes stellaires. Elle montre que l’univers peut produire des architectures bien plus complexes — et bien plus étranges — que ce que les modèles actuels prévoyaient.
Au-delà de l’anecdote, cette découverte démontre aussi l’intérêt de continuer à observer ces objets « marginaux » comme les naines brunes. Longtemps ignorées, elles pourraient finalement abriter des systèmes planétaires totalement inédits, et donc offrir une nouvelle clé pour comprendre l’ensemble du processus de formation stellaire et planétaire.
Elle prouve aussi que dans l’univers, l’exception n’est peut-être pas si exceptionnelle. Que les règles que nous observons dans notre propre système solaire ne sont qu’une version parmi des milliards d’autres possibles.